Chroniques d’Akantor V
Un nouveau venu (Akantor V - Chronique 1) Uktar 1346, Valplume
La pluie battait à grosses gouttes sur les toits. Les chemins devenus boueux étaient déserts et le ciel sombre diffusait une lumière grise qui rendait plus morne encore la plaine de Valplume.
Le froid rendait la pluie pénible, Margot remit du bois dans l’âtre ; il ne restait que quelque fagots puis ce serait le froid. Elle approcha le berceau de la cheminée ; son petit Tristan devait rester au chaud, il était si petit, si fragile. Bientôt il se réveillerait, et elle lui donnerai le sein.
Yves, son mari, fixait les flammes. Il n’avait rien dit depuis des heures, perdu dans de sombres pensées. L’année de l’Oiseau de Sang n’avait pas été clémente : une récolte à peine suffisante, l’arrivée d’un enfant et le bourgmestre qui avait mis son dernier né en nourrice chez une autre famille. Comment allaient-ils passer l’hiver ?
Une bûche s’effondra tirant Yves de ses ruminations. Après l’avoir remise en place, il se leva et fit quelque pas dans la pièce unique. Il avait les jambes engourdies. Cette pluie qui le bloquait chez lui avec ses angoisses allait le rendre fou. Soudain, derrière les clapotis, il lui sembla distinguer un autre bruit. Un cheval se rapprochait à vive allure de la maison. Le cavalier devait être bien pressé pour galoper sur les chemins boueux. Qu’est ce qui pouvait bien l’amener dans cette direction ? Le chemin s’arrêtait à leur maison, un peu à l’écart du village. Yves échangea un regard inquiet avec sa femme. Le bruit cessa devant la maison et Yves put voir par le fenêtre une silhouette sombre descendre d’une monture noire. Un instant après, des coups retentissaient à la porte. Yves saisit un gourdin et demanda ce que voulait le visiteur. Margot posa instinctivement la main sur le berceau.
Une voix répondit avec un accent léger :
- Je cherche une nourrice du nom de Margot, on m’a dit au village qu’elle vivait en cette demeure.
Yves entrouvrit la porte et demanda :
- Que lui voulez vous ?
- Monsieur, j’ai là un enfant qui aurait besoin de ses soins, répondit le visiteur en révélant sous son manteau ruisselant de pluie, un couffin où un bébé dormait paisiblement.
Rassuré, Yves l’invita à entrer. Une fois à l’intérieur l’étranger posa avec précaution le couffin sur la petite table au milieu de la pièce, et rabattit sa capuche. Yves remarqua tout de suite sous ses cheveux dorés des oreilles pointues. C’était un elfe ! On disait qu’il pullulaient dans la forêt de Cormanthor au nord, mais en Valpume ils étaient plutôt rares. Que venait il faire par ici. Il posa une grosse bourse à côté du couffin.
- Mes maîtres aimeraient que vous vous occupiez de cet enfant. Ils m’ont demandé de vous remettre cette somme en dédommagement. Yves remarqua que la bourse bien pleine laissait apercevoir des pièces d’or. Une fortune ! De quoi passer plusieurs hivers.
- Il faudra sans doute du temps avant qu’on ne revienne chercher l’enfant, alors économisez l’argent.
Yves était fasciné par la bourse. Margot avait aussi remarqué qu’elle avait à faire avec un elfe. Son appréhension la poussa à demander, alors qu’elle s’approchait :
- Est il humain ?
- Seulement à moitié, mais n’ayez crainte nos races sont plus proches que vous ne le craignez. Et nos enfants ont autant besoin de bon lait que les vôtres. Regardez-le, ce n’est qu’un nourrisson sans défense, nous avons chevauché longtemps pour vous trouver. Il a besoin de vous.
Mais Margot n’écoutait plus, elle était fascinée par l’enfant. Il était beau ! Endormi il semblait si paisible. Et ces oreilles légèrement pointues étaient si mignonnes.
La cavalier jeta un dernier regard attendri à l’enfant puis se dirigea vers la porte. Au moment de sortir, il ajouta :
- Il me faut partir, je ne sais quand je pourrais revenir. Occupez vous bien du petit. Ah oui, il s’appelle Akantor V.
La porte se referma laissant la maison retomber dans le silence. Le couple se demanda s’ils n’avaient pas rêvé. La pluie continuait de tomber, le feu s’éteignait dans la cheminée pourtant un enfant dormait sur la table et à côté de lui une bourse leur promettait un hiver confortable. La pluie leur sembla soudain moins froide.