Table Ronde LaboGN2024

Play to lift Applications pratiques : trucs et astuces pour "donner du jeu"

, par Akantor

Contexte

Les notes suivantes sont le résultat d’une prise de note d’une table ronde qui s’est déroulée le 7 août 2024 à LaboGN, avec Julien F, Philippe, Aurélie, Hortense, Melville et Pandora. Où ont été abordés les expériences et les pratiques autour de « donner du jeu ».
La table ronde s’est organisée en plusieurs tours qui s’enrichissait de réponses et relances. Quelques questions servaient d’inspiration plus que de guide. Ce qui suit est une tentative de réorganiser le contenu par thématique plus que de rendre la chronologie des échanges.
Dans les notes suivantes j’utilise interprète en place de joueur ou joueuse plus habituel mais moins épicène, pour indiquer la personne qui joue le personnage. Et personnage pour le rôle interprété.

Introduction

Julien F remarque la culture orale en GN est conséquente, et que LaboGN regroupe nombre d’interprètes expérimentés qui manipulent sans y penser de nombreux concepts et termes. Il propose cette table ronde pour essayer d’expliquer et de détailler, un concept qu’il a entendu pour la première fois lors de cette édition 2024 : le « play to lift ».
L’objet de cette table ronde est d’expliciter et de partager nos « trucs de joueureuses » en GN. La divulgation organisée par l’interprète des secrets du personnage est un autre exemple qui semble bien à explorer. On parle aussi rapidement de « Play to challenge », qui émerge.
Une rapide recherche préparatoire montre que si l’expression « donner du jeu » semble ancienne, « Play to lift » est apparemment inventé en 2018 par Susanne Vejdemo, pour se distinguer du « play to lose » considéré réducteur (https://nordiclarp.org/2018/02/21/play-lift-not-just-lose/).
Une définition préalable définit le « play to lift » comme : tout ce qu’une personne va pouvoir faire pour aider le jeu d’un autre personnage.
La question reste d’identifier les outils que l’on peut mettre en place à cette fin.

Coté organisation

Il est rapidement fait mention d’ateliers qui vont permettre de guider les interprètes vers du « play to lift », en particulier pour faciliter le jeu de classe sociales ou de réputation.

Atelier : Ligne de statut social
Pour gérer et bien introduire la notion de statut, les personnages s’organisent en ligne. À un bout se trouvent les statuts sociaux les plus hauts et respectés, à l’autre se positionnent les plus basses classes.
Cet atelier permet d’inviter les membres des classes les plus basses à jouer le respect pour les classes les plus élevées, ce qui va donner du jeu et soutenir l’interprétation. Cela évitera de reposer sur les capacités ou le charisme des interprètes de se faire respecter, puisque leur aura sera déjà présente dans l’œil des autres.

Consigne : Comportement de classe
Il est également mentionné une évolution de cette ligne de statut social, où on intègre des méta techniques. L’exemple cité décrit trois règles : Quand le monarque est dans la pièce, tout le monde doit le regarder en permanence ; Il faut anticiper tous ses besoins, s’il commence à s’asseoir dans le vide, une chaise doit être amenée sous ses fesses au plus vite ; le monarque doit se déplacer lentement et gravement pour permettre aux autres de réagir.
On voit avec cette consigne que cela crée beaucoup de jeu pour le monarque qui bénéficie de l’attention de tous en permanence, et dont le moindre acte, la moindre parole est non seulement entendue mais aussi suivi d’effet, quel que soit le charisme de l’interprète.
Sans que la consigne ou l’exercice l’induise, cela permet aussi au monarque de distribuer du jeu puisqu’il sera particulièrement entendu s’il s’adresse ou mentionne un personnage ou un autre.

Atelier : Calibrage des attentes de soutien
Sans que ce soit une expérience vécue, il est imaginé que l’on pourrait ajouter un atelier de calibrage, inspiré du calibrage émotionnel, où chaque interprète pourrait partager avec ses partenaires de jeu, comment il souhaite que son personnage soit traité pour soutenir son jeu : Révérence, plainte, compétences, réputation…
On pourrait par exemple imaginer qu’une compétence de bretteur soit souvent louée, ou au contraire une réputation de traître souvent citée. Mais aussi qu’on vienne être interrogé sur un sujet difficile, que le personnage n’aurait pas de raison d’invoquer mais dont la mise en jeu apporterait de la profondeur.
On remarque que ça amène aussi chaque interprète à se poser la question de ce sur quoi il a envie de jouer.

En cours de jeu

Les astuces de jeu de personnes présentes mettent plus de temps à émerger. Elles s’expriment finalement surtout à travers des expériences vécues.

État d’esprit
Plusieurs personnes proposent une posture générale qui facilite le jeu en « play to lift ». Jouer en ayant à l’esprit d’être « fan des autres personnages » est proposé. En particulier, en essayant de faire exister leurs compétences : en les mentionnant (« Mais n’êtes vous pas le plus grand couturier du royaume, celui à qui l’on doit les tenues de la reine ? ») ou en les provoquant en jeu (« Je vous défie donc en duel au premier sang »). On rappelle que ça peut demande de ravaler son égo.
Cela peut aussi passer par divers renforcements positifs comme des phrases ou des comportements qui correspondent "Merci d’être là", en précisant ce que le personnage a réalisé et ce que cela change.
Une troisième approche est de se poser la question : « Qu’est ce qui serait cool pour le spectateur qui impliquerait ce personnage ? »
Pour se préparer à jouer dans cet état, il est proposé de recenser les talents de nos partenaires de jeux privilégiés, en particulier du point de vue de notre personnage.

Soutien de compétence meta
Il arrive que l’on dispose d’une compétence qui est mise en jeu sur le GN. Il est ainsi possible de soutenir le jeu d’un personnage.
Une approche proposée est d’utiliser des questions qui contiennent des réponses (« est ce que votre lame a été trempée par le tranchant pour assurer une meilleure dureté sans perdre sa souplesse comme le font traditionnellement les forgerons de katana japonais ? »). Et plus généralement de faciliter que le personnage brille dans ce domaine.

Soutien d’influence sociale
Même si les organisateurs n’ont pas insisté sur cet aspect en atelier, il peut toujours être bon de rappeler les titres et faire montre d’un respect explicite envers les personnages de castes supérieures, quitte à être un peu excessif pour rappeler le statut d’un ou d’une partenaire de jeu.

Diffusion d’influence sociale
À l’inverse pour quelqu’un qui a une influence sociale établie et puissante, distribuer son pouvoir via de la délégation par exemple, peut aider soutenir le jeu des autres (« l’empereur m’a confié une mission à moi ? »). Cela passe notamment par le fait de convoquer une réunion, assemblée, conseil ou autre qui va permettre de donner du statut à ceux qui seront convoqués, par rapport à ceux qui ne le seront pas. Cela crée aussi une occasion d’exister parmi ses pairs, de prendre sa place. On peut aller plus loin et prendre le risque de perdre du pouvoir en laissant des subalternes entrer en concurrence ou être témoin à charge de nos erreurs. C’est une manière de donner beaucoup de jeu aussi bien à ses subalternes qu’à ses concurrents.

Donner du jeu dans les ombres
Quand l’on dispose d’informations sur les parts sombres du personnage, soit dans la fiction, soit en tant qu’interprète, on peut essayer de faciliter leur mise en jeu. En effet le personnage aura tendance à les cacher pour garder sa cohérence émotionnelle (on évite ses peurs, ses hontes, etc.). Mais parfois gardes les parts sombres cachées empêche d’expérimenter la pleine profondeur du personnage. Donc une aide extérieure peut être bienvenue pour justement permettre l’exploration de ces zones.
Appuyer là où ça fait mal peut permettre de jouer son personnage plus en profondeur.

Donner du jeu dans les informations
La gestion des secrets est aussi un sujet sur lequel la table ronde est revenue plusieurs fois notamment pour la partie qui soutient le jeu des autres protagonistes. Un consensus semble clair sur le fait que « Quand j’ai un secret, je le partage. » sinon ça sert à rien.
Plusieurs pistes on été proposées pour partager (en tant qu’interprète) un secret que le personnage ne souhaite pas dévoiler :

  • Hésiter. Se contredire. Mal mentir. Pour le mensonge, il est proposé une technique méta : répondre en regardant ailleurs.
  • Mettre en scène l’emportement pour divulguer des informations « sous le coup de la colère ».
  • La conversation faussement privée, où l’on se met en position d’être entendu, où l’on se laisse épier.
    La question sans réponse générale mais qui est proposée comme centrale est :Comment lâcher l’information pour un effet maximal ?

Limites

Une limite mentionnée est celles de la charge mentale. Puisque le « play to lift » se rajoute au fait de jouer son personnage : en cohérence émotionnelle, intellectuelle et sociale, avec déjà un certain nombre de choses à mémoriser avant et pendant le jeu. Cette approche demande de préparer et d’enregistrer davantage d’informations sur les autres personnages pour soutenir leur jeu.